Interview uit 1946 van Joseph Longé,

Lévy : Il y a 31 ans, le 28 mars 1914, la station radiotélégraphique et radiotéléphonique de Laeken, près de Bruxelles, donnait le premier concert radiodiffusé. Nous avons le plaisir de vous présenter à cette occasion l’interview de Mr Joseph Longé, technicien du poste de Laeken, qui fut à ce titre le premier speaker du monde. Il va nous dire lui-même comment il fut amené à s’occuper de la station de Laeken, et après quels efforts il put réaliser la première émission musicale radiodiffusée.

Longé : En 1912, je m’occupais de la centrale électrique de Thysville au Congo. Un jour, Mr Braillard, directeur de l’école de télégraphie sans fil à Laeken, fut amené à me rencontrer et à discuter avec moi de questions concernant la TSF. C’était alors un sujet qui passionnait tout le monde. Mr Braillard me fit la première proposition à mon retour en Belgique, au cours d’une visite qu’il me fit faire des installations de l’école de Laeken. Vous savez que cette école pratique de TSF avait été installée par les soins du Roi Albert à la villa Lacoste, dans le parc même de Laeken. La nouvelle science intéressait beaucoup le Roi qui comptait pouvoir l’envoyer avec grande utilité dans la colonie.

Lévy : Et c’est alors que vous êtes entré dans le personnel de la station de Laeken.

Longé : Exactement. J’y suis rentré à plus d’un titre. D’abord pour y initier aux pratiques de la TSF quelques jeunes éléments qui s’y trouvaient, ensuite pour y apprendre moi-même le code, l’application du morse. Puisque la situation de Laeken était avant tout « radiotélégraphique ».

Lévy : Et vous avez passé là combien de temps ?

Longé : Après quinze jours, trois semaines, se rendant à l’invitation du Roi, un ingénieur Italien, Mr Marzi, est venu travailler de pair avec nous et poursuivre ses expériences, et je lui fus adjoint. C’est à ce titre que j’ai réalisé la première émission radiophonique, c.-à-d. les premiers essais.

Lévy : Et dans quelles conditions, Mr Longé, deviez-vous réaliser ces expériences ?

Longé : D’après les instructions et les schémas de Mr Marzi nous avons monté avec un matériel de fortune et d’une façon tout-à-fait empirique, le premier poste émetteur. Pour vous donner un exemple : le micro, à cette époque, notre bête noire, après bien des tâtonnements nous sommes arrivés à une solution qui nous paraissait heureuse. Vous savez que la partie la plus sensible d’un micro étaient les granules de charbon qui servaient de résistance. Par suite de l’échauffement dû à l’intensité du courant, ces granules se calcinaient. Pour renouveler sans cesse la couche de granules de charbon, Mr Marzi avait imaginé une sorte d’entonnoir dans lequel on déversait les granules qui, à travers un tube en charbon, également, glissaient sur un plan incliné, relié à la membrane du micro, et par le fait des vibrations se renouvelaient constamment. Les granules tombaient dans une sorte de tiroir très semblable à celui d’un feu ou d’un moulin à café. Et nous les reversions au fur et à mesure dans l’entonnoir. Mais, notez que ce micro était déjà extrêmement perfectionné, et que le tout premier de nos micros ne fut autre qu’un haut-parleur. Vous ne trouvez pas que c’est à tomber à la renverse ?

Lévy : Oui, en effet. Et ce simple exemple est d’ailleurs très caractéristique des difficultés que vous avez eues à surmonter. Mais voulez-vous nous les détailler quelque peu, et par exemple, en quoi consistaient les émissions d’essais auxquels vous vous livriez ?

Longé : La plus grosse difficulté de toutes, pour l’opérateur, était de parler et de surveiller tout à la fois ces appareils. C’est ainsi que, à court d’inspiration, il m’était venu à l’idée de lire au micro les petites annonces de journaux. C’est également dans ces conditions que j’avais lu un jour un article de journal se rapportant à l’attentat de Sarajevo.

Lévy : Et voulez-vous nous dire maintenant comment s’est déroulée la première émission radiophonique ?

Longé : Le 28 mars, pour clôturer toutes les séries d’essais, nous avons donné un grand concert vocal et instrumental qui a été perçu jusqu’à Paris. Celui de 17h fut donné à l’intention des amateurs de TSF et de radiophonie. Et celui de 20h30, à la demande expresse de Sa Majesté le Roi des Belges, qui désirait écouter, ainsi que sa famille, du Palais Royal de Bruxelles…

Lévy : …et à l’intention de nos auditeurs, d’assurer pour le quart d’heure qui va suivre, une émission dans le style d’il y a 31 ans.

Longé : —————————————–(un ton continu)

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(O T L    O T L ) ([1])

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( V   V   V   V   V   V )

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Allo, Allo, ici  poste radiotélégraphique et radiotéléphonique de Laeken, près de Bruxelles

Bis

Messieurs les amateurs de télégraphie sans fil, nous allons vous faire entendre un concert dédié à Sa Majesté la Reine Elisabeth,

Bis

Nous commençons par l’air de la Tosca.

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Allo, Allo, vous venez d’entendre le grand air de la Tosca.

Vous allez entendre « Comme la plume au vent », dans « Rigoletto ».

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Allo, allo, poste radiotélégraphique et radiotéléphonique de Laeken. Maintenant vous allez entendre un air de xylophone.

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Pour terminer le concert, nous allons maintenant donner la Brabançonne et la Marseillaise.

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Allo, allo, poste radiotélégraphique et radiotéléphonique de Laeken. Messieurs les amateurs, veuillez nous écrire pour donner les résultats de votre écoute, à l’école pratique de télégraphie sans fil à Laeken près de Bruxelles.

Nous donnerons notre prochain concert à 17h, c.-à-d. 5h du soir. ([2])


[1] OTL: de roepletters  van de post van Laken

[2] Misschien moest hier 20h30 staan.